Mes recettes pour un aquarium équilibré... sans chimie !
Une discussion récente avec un ami
aquariophile m'a fait réaliser à quel point l'aquariophilie
naturelle était une école de sérénité.
En effet, l'ami en question, très cher
à mon cœur et très méritant puisque c'est également l'amant de
Mauricette, semblait étonné par l'équilibre « spontané »
de mes aquariums.
Il est vrai que je ne me pose pas
beaucoup de questions et mes dizaines de bacs de toutes tailles
tournent sans problème, sans maladies, sans déséquilibre, souvent
même sans respecter les fameuses 3 semaines de cyclage lors de la
mise en route.
Lui me décrivait ses déboires, entre
poissons malades, morts subites, invasions brutales d'algues, etc.
aboutissant à chaque fois à une visite à l'animalerie et à
l'achat d'un flacon miracle censé tout régler.
Son aquarium semblait « osciller »,
allant d'un problème (et donc d'un excès) à un autre, sans jamais
vraiment se stabiliser dans un état équilibré. Un peu à la
manière d'un pendule.
Quand je lui ai expliqué que je ne
cyclais même pas mes bacs, il n'en revenait pas.
Il faut dire que, depuis que j'ai
compris l'inutilité TOTALE du filtre dans un aquarium, sujet encore
(mais de moins en moins) sujet à polémiques, j'ai pris l'habitude
de remettre en cause beaucoup de dogmes. Je ne crois donc plus que ce
que je constate. Le nombre de mes bacs et de mes poubellariums, le
nombre de mes erreurs en 35 ans d'expérience et mes quelques
connaissances en biologie font le reste.
Et il faut bien reconnaître que même
le sacro-saint cyclage prétendument indispensable lors de la mise en
route d'un aquarium me laisse sceptique.
La théorie, parfaitement convaincante,
c'est que lors de la mise en route d'un aquarium, le milieu est plus
ou moins vide de bactéries. Ce point est discutable, mais passons.
Pour que le cycle de l'azote fonctionne
dans un milieu aquatique, il faut que les différentes espèces
bactériennes dégradant l'azote organique (une crotte de poisson ou
un cadavre par exemple), puissent chacune profiter du travail de la
précédente. Les premières transforment les molécules azotées de
la crotte en ammoniac, puis d'autres peuvent alors profiter de cet
ammoniac pour le transformer en nitrites, et enfin les dernières
s'installent, transformant ces nitrites en nitrates.
Remarquons que, si aucune plante n'est
là pour absorber ces nitrates, vous pouvez mettre tous les filtres
que vous voudrez, ces nitrates resteront et s'accumuleront dans le
milieu. Le filtre n'y changera jamais rien !
Sur le papier, c'est très logique,
très convaincant. Et, quand on installe un aquarium et que l'on dose
les nitrites avec des tests, on remarque effectivement, au bout de 3
semaines environ, une petite augmentation des nitrites, très
temporaire puisque permettant aussitôt l'apparition des bactéries
transformant ces nitrites en nitrates, bien moins toxiques.
Cela confirmerait donc la nécessité
de ce que l'on appelle le « cyclage » d'un aquarium,
c'est-à-dire l’impératif d'attendre environ 3 semaines, le
passage de ce « pic de nitrites », pour introduire les
premiers poissons, tout danger ayant alors disparu.
Donc, tout cela est vrai et on ne nous
a donc pas menti.
Sauf que, lorsque j'ai installé mes
premiers poubellariums, j'ai constaté quelque chose que je remarque
aussi maintenant dans mes aquariums naturels : les poissons que
j'installe au bout de 2 jours seulement se portent aussi bien et
vivent aussi longtemps que ceux pour lesquels je respecte le
sacro-saint délai de « cyclage » !
Bon sang, me direz-vous avec cette
fraîcheur candide qui vous caractérise, mais comment est-ce que
cela est-il donc possible, nom d'un guppy ???
Je reconnais que cela m'a longtemps
interrogé et que je ne trouvais pas l'explication.
Je priais, j'invoquais le Grand
Poubellerium Cosmique, notre Maître à tous, mais, pauvre mortel, je
restais sans réponse.
Puis, au bout de quelques années
d'errance et de recherches, la lumière est apparue, l'illumination
s'est faite, Lux fiat...
Je n'oublierai jamais ce moment.
Mauricette venait de disposer avec
grâce son quintal sur la cuvette de nos latrines familiales, comme
chaque jour vers 10h34 (elle est du matin).
Comme chaque jour, elle poussa.
Et, comme chaque jour, elle fut
libérée, délivrée, avec ce bruit caractéristique qui ressemble
tant à la chute d'un placenta d'éléphante dans la savane après
l'éléphantement...
Eurêka, dis-je, tout ému.
En effet, Mauricette sortait d'un
traitement antibiotique général rapport à une crise de pustules
purulentes ulcérées consécutive à l'absorption d'un hareng
largement périmé.
Comme chacun sait, notre flore
intestinale, aujourd'hui appelée « microbiote », est
composée de plusieurs milliers d'espèces de bactéries, levures et
virus divers, formant un équilibre incroyablement complexe, chaque
espèce formant des interactions avec nombre d'autres, et même avec
certaines cellules de notre corps. Bref, un truc tellement complexe
qu'on commence à peine à en découvrir l'ampleur et les fonctions.
Il est absolument impossible de dresser
la carte des espèces microbiennes à l’œuvre et des relations
entre elles et notre corps. Im-pos-sible !
Mais, après une antibiothérapie, ce
microbiote ressemble aux tranchées de Verdun. Tout le monde est
mort, les quelques survivants ne suffisent pas à empêcher certains
espèces invasives de pulluler, l'équilibre si subtil et si complexe
est brisé, bref, on a la chiasse.
C'est exactement ce qui se passe
lorsqu'on installe un aquarium. Ou, comme je l'ai vu faire une fois,
lorsqu'on le nettoie chaque mois, allant même jusqu'à utiliser de
l'eau de Javel !
On met de l'eau du robinet, du sable
préalablement lavé, des pierres passées et brossées sous l'eau,
etc. On part donc d'un milieu extrêmement pauvre en vie. Un désert
microbien en quelque sorte.
C'est pourquoi on y observe ce qu'on
constate « en laboratoire » : une installation
progressive des espèces bactériennes, la constitution de leurs
chaînes maillon par maillon, chacune devant attendre que l'autre
existe pour pouvoir prospérer.
Bref, c'est laborieux et, comme tout
écosystème neuf ou chamboulé, il va « tatônner »
longtemps, parfois des années si on ne le laisse pas tranquille,
pour trouver un équilibre enfin stable, assis sur une biodiversité
suffisante.
Car l'équilibre d'un milieu aquatique
(ou intestinal) tient à la présence d'une biodiversité maximale,
où chaque espèce tient les autres par la barbichette, chacune
empêchant l'autre de pulluler excessivement. Et la complexité d'un
écosystème est telle qu'il n'y en a pas deux semblables.
Comme les intestins des animaux !
Revenons donc à mes bacs magiques
n'ayant pas besoin de cyclage.
Je viens, hier mercredi, d'installer
une nouvelle batterie de 6 bacs de 60 litres qui devront accueillir,
dès mardi, des Barbus oligolepis, conchonius, nigrofasciatus,
schuberti, Tanichthys albonubes et Tanichthys micagemmae.
6 espèces, 6 bacs pour les garder cet
hiver en attendant le printemps où ils iront dehors découvrir la
vraie nature en poubellarium.
J'ai donc acheté 40 kilos de sable
pour enduit (donc fin) pour environ 2 euros. C'est cher, mais faut ce
qu'il faut. Je l'ai lavé.
J'ai rempli pour moitié d'eau du
robinet tirée la veille et d'eau de pluie de mes récupérateurs.
Puis j'ai bourré les bacs de plantes à
croissance très rapide : Najas, Cerato, Myrio, Pistias...
Toutes ces plantes sont issues d'aquariums qui tournent déjà.
J'ai braqué dessus un éclairage néon
de haute technologie acheté 5 euros à Leroy-Machin, couvert d'une
feuille d'aluminium piquée dans la cuisine pour faire réflecteur.
J'ai ensuite ajouté dans chaque bac
une poignée de sable de mes aquariums actuels, chaque nouveau bac
recevant un mélange du sable de plein d’aquariums différents pour
l'ensemencer en vie microbienne. Car ce sable est plein de saloperies
diverses et de bactéries innombrables issues d'années d'évolution.
Chaque aquarium ayant sa propre biodiversité, j'augmente ainsi
encore le nombre d'espèces présentes.
Enfin et surtout, chaque bac a reçu sa
dose de daphnies, ostracodes, Blackworms, aselles et gammares (merci Aquazolla.com) qui vont, dès la première seconde, relâcher tous
les micro-organismes qu'ils hébergent, sous la forme de crottes et
autres sécrétions élégantes et joyeuses...
Ces bestioles seront probablement
dévorées dès les premiers jours par les poissons, qui verront
ainsi leur stress diminuer, l'accueil dans leur nouvelle auberge
étant plutôt sympa côté bouffe...
Quelques escargots choisis selon ce que
je veux à terme dans chaque bac (physes, planorbes, mélanoïdes)
sont ajoutés. Oui, les escargots, ça fait aussi caca !
Pour augmenter encore ce bordel
biologique, j'ai jeté dans chaque bac une bonne dizaine de grains de riz paddy, on sait jamais, quelques millions de bactéries et
d'infusoires en plus, en provenance directe des rizières, c'est toujours bon à prendre !
Attention d'ailleurs à ne pas en mettre trop, c'est très efficace !
Attention d'ailleurs à ne pas en mettre trop, c'est très efficace !
Quand il s'agit de poubellariums au
jardin, je fais de même et, en plus, j'évite soigneusement de
brosser la croûte crasseuse de la saison précédente dans laquelle
nombre de formes dormantes de bestioles ont pu s'incruster pour
passer la saison sèche.
Bref, pour résumer, je mets à
disposition du milieu le maximum de biodiversité, le maximum
d'espèces microbiennes pour qu'il puisse y faire son choix, les plus
adaptées s'installant idéalement pour former ensemble un équilibre
empirique, qui sera probablement différent dans chacun des 6 bacs.
Là où un milieu stérile attend que 2
ou 3 espèces bactériennes prennent en charge le cycle de l'azote,
mes bacs sont immédiatement saturés de vie, interdisant ainsi tout
excès, y compris chimique, dès les premiers jours. Si une espèce
est éliminée, elle reste présente en réalité car gardée en
réserve dans l'intestin d'un ostracode ou d'une aselle qui
réensemencera le milieu à chaque caca !
Dans 5 jours, mes poissons arrivants
seront installés directement dans leurs nouveaux locaux. Leur
acclimatation sera facilitée, plus courte, moins critique, et ils
vivront longtemps dans des bacs... jamais « cyclés ».
C'est empirique, c'est
« systémique », en théorie ça ne marche pas... mais en vrai ça marche !
Et le vendeur de l'animalerie se
retrouve tout seul avec ses flacons, ses souches de bactéries
sélectionnées et clonées en laboratoire, tellement inutiles, pauvres et
tristes !
La vie, complexe, qui fourmille, grouille et
foisonne... Nous avons encore tant de choses à apprendre d'elle.
Commentaires
Et oui, le business et cette société de cons (enfin sauf nous .. peut-être) prend les vessies pour des lanternes, avale ce qu'on lui sert et avant tout la malbouffe, les mensonges qui aneuronisent les cerveaux encore équipés mais en éblouissement léthargique ...
J'adore lire ces articles ... trop peu nombreux à mon goût mais je comprends et compatis .. Mauricette a besoin de soins quand son amant la laisse en rade et puis il faut la "sus tenter"
Merci et bon courage ...
Philippe ... au fil de l'eau notre milieu de vie
félicitations pour ce fantastique blog! Je suis tombé dessus par hasard après avoir hérité d'un aquarium, et depuis c'est ma bible! En effet, il y a 2 mois on m'a donné en pension hivernale une troupe de guppys qui avait passé l'été dans un beau jardin. N'y connaissant rien, je les avais installés dans leur aquarium, avec leur filtre et quelques plantes, et essayé de comprendre comment entretenir tout ça. A la lecture des différents forums, je me suis dit: "eh be, tu n'es pas sorti de l'auberge!". Ayant un passé de scientifique je me suis donc dit que ça ressemblait à tout, sauf à un système et c'est pour cette raison que j'ai fouillé et que je suis tombé sur une certaine madame Walstad et sur ce blog. Depuis, j'ai planté à fond, mis des flottantes et des plantes en trempette, enlevé le filtre, mis des feuilles de chêne. Entretemps, un ami m'avait aussi passé son vieux aquarium à combattant, que j'ai aussi planté à fond avant d'y introduire celui qui est aujourd'hui nommé pitbull. Toujours sans filtre. Curiosité et lecture de ce blog aidant, j'ai trouvé un gros vase de 5l, je l'ai tapissé du sable de la rivière la plus proche, avec un peu de sol des autres aquarium et bien planté, et l'ai installé près de la fenêtre. C'était il y a une semaine, et déjà de drôles de petits vers plantés dans le sable se livrent à une danse des plus esthétiques sur le fond du bocal. Comme depuis la Suisse je ne suis pas sûr de pouvoir commander des souches sur Aquazolla, je me suis dit que le hasard de ma récolte pouvait m'amener des bestioles.
Bref, que du bonheur... mais... voulant tester les nitrites (il me reste des gouttes) je me rends compte ce matin que les trois bacs me donnent une couleur qui tombe dans le champs "attention" de l'échelle. Genre 0,05 ou 0,1.
Comme les poissons vont bien, je me dis que ce n'est rien, mais quelque part je me demande pourquoi. As-tu une idée ou une suggestion? Je suis bien tenté de ne plus rien mesurer tant que les poissons ont l'air bien, mais bon, je préfère demander...Merci d'avance!
Une question concernant le riz paddy. Je fais trois fois la semaine germer des graines pour mes deux perroquets Dad & Mom. Ce mélange contient du riz paddy mais également d'autres graines. Je voulais savoir si vous aviez poussé vos recherches à d'autres graines, parce que j'avoue, j'ai la flemme de trier :-)
Merci en tout cas et au plaisir
Est-ce que vous avez des pics de nitrites quand les bactéries ont à s'adapter à la masse biologique de pollution lors d'introduction rapide de nouveaux poissons ? Est-ce que ça met quelques jours à se réadapter à la nouvelle masse ?
Et enfin, en aquarium naturel, est-ce que le sable est indispensable pour avoir des zones anaérobies ou est-ce que je peux reproduire certains milieux naturels qui n'ont qu'un lit épais de feuilles mortes ? Merci.