Un filtre naturel qui mange tout... même les nitrates !





On connaît de mieux en mieux les aselles en aquariophilie et leur rôle très efficace de détritivores.

Les aselles sont des crustacés (famille des crevettes) apparentés aux cloportes auxquels elles ressemblent beaucoup. Pas beaucoup plus jolies ni plus intelligentes !



Les aselles sont très répandues dans les mares et les cours d'eau, où elles se nourrissent de végétaux en décomposition, voire de cadavres tombés au fond. En effet, les aselles sont incapables de consommer le moindre tissu vivant. Elles sont donc irremplaçables, puisqu'elles font le tri, sur une même feuille par exemple, entre la partie saine et la partie morte, ne mangeant que ce qu'il faut et épargnant le reste.

D'où l'idée de certains killiphiles, voilà quelques années, d'utiliser les aselles dans les bacs où ils conservaient leurs œufs. Les aselles s'empressaient de faire disparaître les œufs non fécondés, morts, atteints par la moisissure, et protégeaient ainsi les autres, vivants, de toute contamination toujours à craindre. Les œufs vivants étaient même nettoyés régulièrement de tout fragment de détritus tombé à leur contact. Le pied !

Voilà donc une bestiole qui fait le même travail que celui qu'on attend de nos escargots, mais sans les dégâts qu'ils occasionnent parfois aux plantes et aux œufs.

Alors, pourquoi continuer à utiliser les escargots ?

Tout d'abord parce que la biodiversité est importante et qu'il vaut mieux multiplier les espèces de bestioles qu'en supprimer... mais aussi parce que les poissons ont parfois tendance à aimer boulotter les aselles ! Les adultes parviennent parfois, si la plantation est très dense, à survivre. Un peu de Myriophyllesde Ceratophyllum ou de Najas, et le tour est joué. C'est ce qui se passe dans la plupart de mes bacs, où les aselles côtoient très-très discrètement les poissons (surtout ne pas péter !!!).
Mais les petites aselles, elles, servent souvent de déjeuner aux poissons, qui les préfèrent à leurs aînées. Un peu comme les cloportes dont les petits sont très tendres alors que les adultes sont trop coriaces pour nos poissons.

Une mention spéciale peut-être pour la lentille trilobée : que ce soit en extérieur (même l'hiver !) en poubellarium ou à l'intérieur en aquarium naturel, les aselles adorent vivre dans les tapis que forme cette plante flottante.



La lentille trilobée flotte, mais reste sous la surface où elle forme un coussin parfois épais d'un ou deux centimètres. Elle oxygène donc parfaitement l'eau tout en tamisant la lumière. Elle est bien connue comme refuge absolu pour les alevins qui peuvent s'y cacher en restant inaccessibles. Eh bien, c'est la même chose pour les aselles, qui adorent y vivre. À l'abri de l'appétit des poissons, elles nettoient tranquillement, toute la journée et même la nuit, la moindre petite feuille fanée, le moindre petit déchet.

Un vrai filtre naturel de surface : l'aselle bien planquée dégrade les déchets, puis la lentille trilobée utilise la lumière pour absorber les nitrates ainsi produits ! Ce qu'aucun filtre artificiel ne fera jamais !
Il suffit alors de retirer une partie du coussin de lentilles qui s'étend, de temps en temps, ou pas !
Mais l'azote n'est plus libre dans l'eau sous forme de nitrates (relativement toxiques), mais captée par la lentille.

De nombreux passionnés de bassin ont résolu le problème de la présence de poissons (et des gros !) en plaçant les aselles dans un compartiment dédié de leur filtre, où elles peuvent assurer leur rôle de dégradation des détritus (feuilles mortes et autres) tout en restant à l'abri de l'appétit des poissons. Bien sûr, quelques individus s'échappent et c'est tant mieux. Elles serviront de nourriture vivante et s'installeront même parfois dans le bassin dans des recoins discrets.

Pourquoi ne pas réfléchir à une semblable utilisation en aquariophilie ? Les aselles interviennent juste avant les ostracodes dans la chaîne de dégradation des déchets, préparant ainsi le travail des bactéries du filtre et du bac. Je pense qu'il faudrait réfléchir à des systèmes de filtration biologiques qui incluraient ces bestioles, leur permettant de vivre et se multiplier à l'abri.

Les aselles ne sont pas aussi prolifiques que d'autres invertébrés aquatiques. Elles ne pondent que peu d'œufs (environ 200 par ponte), et ceci au dernier stade de leur croissance. Mais les petits, copies conformes des adultes, sont armés pour survivre.
Pourquoi ne pas leur réserver une partie de la décante ou mieux, un bac pour elles toutes seules ? J'adore personnellement assister aux accouplements, aux combats entre mâles adultes, ou tout simplement voir une aselle muer en s'extirpant de son ancienne carapace chitineuse en se tortillant !

C'est une bestiole qu'on devrait voir dans les classes des écoles, au même titre que les tristes phasmes... Elle est très moche aussi, mais au moins, elle bosse !


Les aselles sont disponibles sur le site d'Aquazolla.


(billet de 2011 mis à jour, avec photos)


Commentaires

Mickaël a dit…
Bonjour,

Cela fait un moment (quelques années ?)que je vous lis avec intérêt. Les aselles, j'en avais trouvé dans un ruisselet mais n'étais pas parvenu à les maintenir (dans un bac à température ambiante)à moyen terme et n'ai pas retenté depuis. Je n'ai pas eu par conséquent l'opportunité de les tester en aquarium tropical et je me suis toujours demandé si un bac chauffé à 26 °C ne serait pas trop chaud pour permettre leur survie et en tous cas des cycles de vie normaux. Avez-vous essayé des choses à ce sujet ? Je me pose la même question pour les ostracodes, tout au moins les souches vendues. J'en ai achetée une il y a longtemps chez un concurrent que je maintiens à température ambiante mais qui a semblé systématiquement disparaître lorsque je l'introduisais dans mon biotope à cardinalis. Quant à créer un filtre à aselles, c'est tentant, mais les soustraire aux poissons fait aussi qu'elles ne peuvent pas aller partout et jouer à fond leur rôle d'éboueur. L'équation risque d'être insoluble sauf trait de génie. L'idée serait plutôt de leur fournir une base arrière où elles se reproduiraient à l'abri et de laquelle partiraient en continu des patrouilles massives d'individus, dont certains ne reviendraient pas... Une sorte de ruche en quelque sorte, dont les ouvertures ne seraient pas trop accessibles aux poissons car il y en a qui pourraient rester devant à attendre, comme devant un distributeur. Mais leur taux de reproduction limité est probablement problématique pour que cela fonctionne complètement. Ces questions sont en tout cas passionnantes.
Anonyme a dit…
Bonjour Mr Mattier,

un tas de cailloux ne laissant pas passer la tête ou le corps d'un poisson, dans le coin d'un poubellarium ou aquarium, ne pourrait-il pas servir de "refuge" aux aselles?
Véro
Hackquarium a dit…
Hello, petit message pour Mickael : je suis de Guadeloupe où sans groupe froid, la température de l'eau atteint (et dépasse) les 26/27°.

On arrive à maintenir de la micro-faune (aselles ? ostracodes ?) dans des bacs, voire il arrive que on en ait de manière "spontanée" (introduite via des plantes ?)

:-)
Mickaël a dit…
Merci pour ce message, Hackquarium (que je lis juste aujourd'hui). Je ne doute pas qu'il y ait une microfaune en zone chaude (les ostracodes sont très répandus sur la planète, à ce que j'ai pu lire), mais la question demeure pour les souches que nous avons en métropole : s'adaptent-elles à plus chaud en permanence ? Ou alors où en trouver des tropicales ?

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