Aquarium naturel de méditation

Mon psy, à qui je venais de montrer une photo de Mauricette nue, me demanda un jour :

- Mais comment faites-vous pour survivre, Monsieur Mattier ?

Spécialiste des victimes de syndromes post-traumatiques, il ne voyait pas, dans son arsenal thérapeutique, comment me venir en aide (et on le comprend...).

Je lui ai donc expliqué comment j'avais développé, face à la nécessité, une technique de résilience inédite, pour faire face à l'horreur quotidienne.

- Je m'ai fait un aquarium de méditation dans ma maison, Monsieur Lentonoir, lui indiqué-je.

Le regard de l'homme de l'art s'est alors illuminé : il allait découvrir ce que des générations de psychologues ont poursuivi en vain, le Graal du psy, l'arme ultime des Centres Médico-Psychologiques.

Car, et cela l'intriguait, malgré le contexte d'épouvante conjugale dans lequel j'évolue, ma santé mentale est incroyablement solide, poil au bide.

Il est vrai qu'il est difficile d'expliquer, dans le temps réduit d'une consultation, le concept de l'aquariophilie naturelle, tellement plus abouti que le simple "low-tech" si à la mode. Comment décrire tout le cortège de bestioles innombrables, cohabitant et faisant leurs petites crottes précieuses au sein d'un monde aquatique magique, envoûtant, hypnotique ?

Comment communiquer la sensation apaisante que procure l'observation, pendant des minutes ou des heures, de ce petit monde sans guerre, sans poissons, sans prédateurs, où tout le monde se côtoie en se recyclant. Où chacun n'est rien, composant d'un tout sans cesse renouvelé, d'un cycle sans fin dans lequel l'arrogance de se croire individu est vaincue par l'harmonie de l'ensemble ?

J'ai bien essayé de lui parler de l'eau immobile, sans machine bruyante, brutale, violente. De cette quiétude aquatique sous une surface sans un pli, où l'eau ne bouge que par millimètres, poussée par la patte de l'un, l'antenne de l'autre, la nage d'un troisième...

Cette lumière si particulière des mondes immergés, tamisée par les plantes sans organisation apparente, dont l'agencement n'est orchestré que par la lumière, et donc de façon parfaite. Pas un jardin à la française, mais une jungle dont la complexité est ordonnée de façon paradoxalement absolue.

Alors, comme je voyais Monsieur Lentonnoir me regarder avec incompréhension, bavant légèrement, la lèvre tombant mollement, je me suis dit que le seul moyen que j'avais de lui faire appréhender l'harmonie profonde et subtile de mon aquarium de méditation, dont la contemplation me permet de tout affronter ensuite, c'était de le lui montrer.

Je sais pas pourquoi, mais depuis, il me reçoit avec des palmes aux pieds et un tuba dans le bec.

À mon avis, il est converti.

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