Guppy du commerce et acclimatation en aquarium naturel ou low-tech
Tout et n’importe
quoi, c’est vrai, mais il existe tout de même des spécialistes
absolument imbattables sur ce poisson archi-connu depuis plus de 150
ans.
Guppy blue neon Delta
Ma seule expérience
un peu originale est celle de l’élevage du guppy en low-tech et
même en no-tech.
Comme dirait mon pote René (eh oui, chuis pas tout
jeune !), le no-tech, c’est comme le low-tech mais très très low.
C’est quand tu as perdu même ton thermomètre !
Le concept du
poubellarium (lire Qu'est-ce qu'un poubellarium ?) est né en 2004, à partir de l’expérience d’une guppette que j’avais oubliée dans une poubelle pleine d’eau tout l’été précédent.
Quelque part, c'était le début d'un long parcours qui a permis aujourdhui l'existence d'Aquazolla.
J’ai donc une affection particulière pour les guppies, avec lesquels tant d’aquariophiles ont découvert la reproduction des poissons.
J’ai donc une affection particulière pour les guppies, avec lesquels tant d’aquariophiles ont découvert la reproduction des poissons.
Pour revenir sur
Pépette, la première guppette poubellisée voici presque 20 ans,
j’en garde un souvenir ému.
Toute petite femelle
guppy sortie « en estive » au jardin au mois de mai, Pépette avait
disparu dans l’eau verte. Elle en était ressortie à l’automne,
par une eau à 11°C en octobre, méconnaissable tant elle était devenue énorme
et secouait l’épuisette en se débattant. Elle a passé
le reste de sa vie à me pondre environ 120 ou 130 alevins tous les
mois !
Alevin guppy nouveau-né
Pendant que je la
croyais morte, puisqu’elle vivait dans des conditions formellement interdites
par tous les livres d’aquariophilie, Pépette était en fait
tranquillement cachée à la vue des humains, occupée à gober tous
les insectes et bestioles que le vent lui apportait, peut-être
quelques algues, bercée par la pluie et la brise, baignée de
lumière naturelle et profitant des nuits étoilées…
Lumière et
température évoluaient sans cesse, mais de façon toujours très progressive, elle pouvait choisir à tout moment entre l’eau chaude
de la surface et la fraîcheur du fond, protégée par des parois
opaques et à l’écart des bruits de pompes ou de filtres
stressants.
Et pas de mâles non plus pour l'embêter !
Le parfait compromis
entre captivité et vie sauvage au bénéfice exclusif du poisson et au
détriment de l’humain (si on peut qualifier ainsi Mauricette).
L’humain avait disparu de sa life de Pépette.
C’était en 2003, et l’année suivante nous fondions le forum Poubellarium.fr, une sorte de
Woodstock de l’aquariophilie, où les dogmes assénés sur les
forums habituels étaient tous taillés en pièces, les uns après
les autres.
Nous avons ainsi compris
l’inutilité absolue de la filtration, la relativité de tous les
paramètres physico-chimiques, à commencer par la température, et surtout la notion de stress chez le poisson qui est finalement la source de toutes les fragilités et problèmes sanitaires en aquarium.
Une fois de plus, le
guppy faisait avancer la science !
Actuellement,
j’élève deux variétés de guppies.
Des Blue neon et des
Tuxedo rouges à queue ronde.
Pourquoi ceux-là ?
Pasque.
D'abord.
Contrairement à ce qui
se dit, je ne considère pas que le guppy soit vraiment le bon
poisson pour débuter, ni le moins fragile.
Un Betta ou de nombreux
cyprinidés sont de bien meilleurs candidats pour découvrir l'aquariophilie, je trouve.
Le guppy doit son
succès à sa reproduction facile puisque les petits naissent tout
faits et capables de se débrouiller.
Et aussi à son incroyable
variabilité génétique qui a permis d’innombrables coloris.
Mais pas à sa
« solidité » ni à sa rusticité.
Guppy snake sunset Delta
Aujourd’hui, les
guppies que l’on trouve dans le commerce font pratiquement partie des poissons
les plus fragiles qui soient.
Leur acclimatation est vraiment problématique
et leur espérance de vie est souvent très courte.
Les professionnels
avec lesquels j’en parle considèrent comme impossible de nos jours
de les acclimater sans antibiotiques.
Un importateur m’a
expliqué récemment que les éleveurs (surtout d’Europe centrale
aujourd’hui) bourrent les bassins d’élevage d’antibiotiques
(ça, on le savait), mais aussi d’amphétamines, comme facteurs de
croissance.
Si cela est vrai, nous achetons des poissons dopés, sans
défenses immunitaires et sans microbiote digne de ce nom.
Ce qui
explique qu’ils semblent si beaux et gros, mais qu’ils trépassent
ensuite dès qu’on les met au contact de la vraie vie dans un vrai
aquarium.
Les guppies du commerce sont presque des
« poissons-bulles », à l’image de ces
« enfants-bulles » qui grandissent sous tente stérile,
incapables de se défendre contre la moindre bactérie, même la plus anodine
et inoffensive.
C’est un problème,
car il est devenu très difficile de se procurer des guppies de
belles variétés chez un éleveur amateur en France.
Après les guppies
importés d’Asie qui étaient déjà une véritable plaie sur le
plan sanitaire, nous n’avons pas gagné au change avec les élevages
désormais installés en Tchéquie, Slovaquie et Pologne pour les
principaux.
Personnellement,
lorsque j’achète des guppies, ne voulant pas prolonger lors de
l’acclimatation le cycle infernal des antibiotiques, je me refuse à
traiter l’eau. Ce ne serait que repousser le problème de quelques
semaines sans rien résoudre.
Toute personne qui a comme moi une épouse toute en
intestins sait que les antibiotiques, ça détraque le
microbiote.
Et détruire toute une biodiversité microbienne qui a
parfois mis des années à s’équilibrer dans une batterie
d’aquariums, ça me fait mal aux doigts de pieds.
Ma stratégie est
donc la suivante.
Je l’applique avant tout aux guppies, mais elle
vaut pour tout poisson fragilisé par le transport, l’achat, bref
tout chamboulement si profond de sa petite vie.
Mon principe de base
est très simple : la réduction du stress tellement nocif.
L’apaisement consiste à rapprocher l’animal de ses instincts les
plus profonds.
C’est vrai pour tout ce qui vit, soit dit en
passant.
S’éloigner de ces instincts de base n’est pas un
problème, mais c’est coûteux en énergie et en stress, et un
animal affaibli n’en a pas les moyens.
Je prépare donc à
l’avance leur bac.
Il reçoit de l’eau vieillie.
L’eau « vieillie » est un vieux concept de mes débuts, mais il a du sens.
Il reçoit de l’eau vieillie.
L’eau « vieillie » est un vieux concept de mes débuts, mais il a du sens.
Une eau vieillie a un microbiote équilibré et stabilisé.
Je l’allonge éventuellement avec de l’eau de pluie, puisque j’ai la chance d'en
disposer en quantité.
Je place dans le bac
toutes les bestioles aquatiques que j’ai sous la main :
aselles, daphnies, ostracodes de toutes sortes, Blackworms, glossiphonies, physes ou planorbes. Le plus d'espèces, le plus de variété possible.
Je jette dans l'eau un ou deux grains de riz paddy pour générer
un peu plus de biodiversité et donc de vie.
Une plante de
surface (azolla, lentille trilobée ou lentille d’eau) et une
plante de pleine eau (Cerato, Myriophylle ou Najas) sont ajoutées,
histoire de complexifier l’espace et de le rendre ainsi plus
rassurant.
L’idéal, c’est
d’attendre une ou deux semaines. Le riz germe, les plantes se
couvrent d’infusoires, les bestioles s’installent et surtout
elles ensemencent le milieu avec leurs crottes.
Le but est que les
poissons, à défaut de pouvoir débouler dans un milieu aseptique,
bénéficient dès leur arrivée d’une diversité maximale de
micro-organismes, pour qu’aucun ne domine, et que les pathogènes
éventuels soient tenus en respect par les autres. Plus la diversité
est grande, moins une espèce domine.
Guppy Moscow black
Mes poissons
arrivent.
Je vide leur sac de transport dans un pot transparent que
je fais flotter dans le bac, en retirant les 3/4 de leur vieille eau
toute pourrie.
À ce stade, ils ont de l’oxygène (enfin!) et ils
découvrent leur nouveau monde avec les yeux !
Puis je verse, tasse
par tasse, l’eau de l’aquarium dans le pot.
Pas besoin d’attendre
des heures entre deux tasses. Il suffit de limiter l’effet
agressif, le choc du changement d’eau. Donc, toutes les 3 à 5 minutes,
c’est bien.
Je leurs sers
quelques vers Grindals directement dans leur pot. Ils les
mangent ou pas, c’est à eux de voir.
Et, enfin, après au
moins une heure, je les libère dans l’aquarium, si possible sans
l’eau du pot (si possible, hein!).
Et là, ils se
retrouvent comme des Mini-Mattiers à Disneyland !
Des daphnies
partout, des infusoires, des bestioles rigolotes à tous les parfums,
qui s’enfuient quand on approche ! Trop cool !
Bref, c'est la fête, le stress diminue et l'appétit est là, preuve que tout va mieux.
Personnellement, je
n’éteins pas la lumière.
J’acclimate
couramment des guppies importés ayant passé plus de 3 jours en
sachet depuis la Tchéquie de cette façon. Et les pertes sont
exceptionnelles.
En revanche, les
premiers alevins nés sur place sont ensuite d’une rusticité totale.
Dès
la naissance, ils ont un microbiote complet et évoluent dans un
milieu riche en vie. Ils n’héritent pas de l’état déplorable
de leurs parents.
Ce sont ces alevins
nés chez moi que je sors l’été suivant en bassin ou en
poubellarium.
Acclimatés très
progressivement à l’extérieur lors d’une journée ensoleillée,
ils vivront pendant des mois la vie de rêve qu’a connue Pépette,leur aïeule, pionnière du poubellarium voilà 20 ans.
Voici pour
l’acclimatation des guppies-zombies du commerce.
Je vous prépare
maintenant un petit article sur les idées reçues sur le guppy.
Comme vous le voyez,
entre Aquazolla.com et les articles pour le blog, je suis bien
occupé, ce qui explique (en partie) la jachère sexuelle de Mauricette.
Faut vraiment que je trouve
un Chippendale bas de gamme dans la région, ça me dégagera du temps...
(Tous les ingrédients de l'aquariophilie naturelle sont sur Aquazolla.com)
Commentaires
Merci
http://www.poubellarium.fr/
Vous y trouverez plein de conseils.
Nous avons une mare dans notre jardin qui "vit" depuis 9 ans, l'équilibre se fait naturellement.
En lisant votre article, je me demande si ce ne serait pas une idée simple et naturelle de commencer notre aquarium avec cette eau naturellement riche. Nous pourrions installer l'aquarium avec cette eau, laisser reposer 2 semaines avant l'arrivée de qq guppys. Puis régulièrement apporter/changer une partie de l'eau avec l'eau de cette même mare.
Qu'en pensez-vous ?
Merci pour vos conseils et votre blog très riche !
Julie
Pour un projet de nouveau bac low-tech (je ne conçois aucun autre type d'aquarium), j'étais à deux doigts d'abandonner l'idée d'y mettre des guppies, ayant lu en effet qu'ils étaient incompatibles avec le low-tech. Et là, miracle, je tombe sur LA solution ! Merci, Mattier, toujours un grand plaisir de vous lire ��