Qu’est-ce que le périphyton ?

Le périphyton, ça ne se mange pas, c’est absolument inutile pour pécho et ça ne permet pas de payer moins d’impôts.

Par contre, il y a dedans un H et un Y et on peut donc s’en servir pour faire son malin et briller dans les salons en prenant le thé avec des vieilles dames. C’est un mot qui impressionne le peuple et qui vous pose comme le gars ou la fille qui sait des trucs.

Mais, me direz-vous avec vos yeux brillants de soif de cette savoir que j’aime tant, jeunes padawans : « qu'est-ce que c’est-il donc que le périphyton, Ô grand maître mais néanmoins mari de la grosse dame moche ? »

Allez ! Je vais le faire pour la France et parce que je suis conscient des zenjeux.


Pour schématiser, tout milieu aquatique, quel qu’il soit, peut se résumer à :

- de l’eau ;

- des trucs au fond ;

- des parois.


L’eau, nous l’avons vu ensemble sans arrêt sur ce blog, est un milieu bourré de bactéries et autres micro-organismes, contrairement à ce qu’on a longtemps imaginé. Les poissons vivent DANS un microbiote, ce qui est moins notre cas puisque, en sortant de l’eau, les premiers animaux terrestres on emporté avec eux le milieu aquatique sous leur peau. Une sorte de milieu aquatique portable. Nous ne sommes donc, et pas seulement Mauricette, que des outres avec des pattes.

Mais les poissons, eux, baignent dans le microbiote du lieu où ils vivent et dépendent tout autant de leur microbiote intérieur que de ce celui qu’ils ont dans leur corps.

Donc, l’eau, dans les points d’eau de la nature, est bourrée de vie microbienne, dans chaque goutte.

Dans nos aquariums, l'eau est généralement très pauvre, l’eau du robinet ou l’eau osmosée étant presque sans vie.



Les trucs du fond, c’est ce qu’on appelle parfois la vase (quand on est dedans jusqu’aux genoux) ou la moulme (quand on veut celui qui s’y connaît). Moi, j’appelle ça le cracrapouët, pour des raisons qui ne regardent que moi et mon petit-fils. C’est généralement marron-noir, d’une texture fine mais avec parfois des morceaux pas encore décomposés (feuilles mortes, bois, etc.) et faut pas le manger. Ça aussi, c’est absolument bourré de micro-organismes qui sont occupés toute la journée à essayer de le bouffer. C’est formé de caca de poissons, de caca d’escargots, de caca de bestioles, de machins morts, le tout mangé et remangé par des bestioles qui en ont refait du caca. Au final, c’est quand même très proche du caca de quelque chose, hein.

Dans nos aquariums, on passe notre temps à l’enlever, ou en le siphonnant, ou grâce au filtre.


Enfin, il reste les parois. Toutes les surfaces sont des parois. Depuis la surface d’un grain de sable jusqu’aux cailloux, grosses pierres, bouts de bois immergés, bloc de béton tombé à l’eau, épave du Titanic voire même déambulateur de ma belle-mère malencontreusement égaré (avec sa propriétaire) dans une mare.

Et, figurez-vous que ça aussi, dans la nature, c’est bourré, enduit, couvert de micro-organismes. Des bactéries, des algues, des cyano-bactéries, des champignons subaquatiques (ça existe), des virus (surtout des gentils)…

Contrairement aux microbes de l’eau et à ceux du cracrapouët, ceux des parois sont accrochés dessus et le courant les emporte un peu moins facilement. C’est donc très intéressant à observer pour un gars qui n’a que ça à faire de ses journées et qui tente d’éviter son épouse gentille mais poilue.

Ces cortèges incroyablement variés de saloperies microscopiques vivent ensemble sur tous les supports immergés. De façon sédentaire. À la longue, tout ce petit monde en vient à prendre de l’épaisseur, un peu à la façon des coraux qui « poussent ». Les algues encroûtantes apportent leur « ciment », les ostracodes tartinent ça avec leurs œufs qui resteront collés dessus après éclosion, les algues mortes servent à des bactéries à s’accrocher, etc. Une vraie petite cité de microbes divers qui s’agrandit en s’épaississant.



Les scientifiques, pour se la péter, ont décidé d’appeler cette couche vivante, parfois croûteuse (mais pas toujours) et toujours très complexe le « périphyton ».

Et plus on l’étudie, plus on découvre qu’il est à la base de la stabilité des écosystèmes aquatiques. De leur résilience. Il permet même de résister aux pollution. Quelque soit le problème nouveau qui arrive dans un milieu aquatique, il y a toujours une des innombrables d’espèces du périphyton qui se dit que c’est un job pour elle.


Et dire que nous pensons faire du bien à nos aquariums en y versant des souches clonées de bactéries achetées chez le marchand, produites en laboratoire puis en usine, contenant… une seule espèce ! Là où un simple petit bout de périphyton ancien en contient à lui tout seul des dizaines de milliers !


C’était l’idée de départ de la création de mes doses de démarrage d’Aquazolla.

Inclure des bestioles diverses, non pas pour elles-mêmes (vos poissons les mangeront de toute façon un jour), mais pour leurs déjections, qui contiennent l’intégralité de leur microbiote. Et comme ces bestioles ne craignent pas le pic de nitrites, on peut démarrer un aquarium ou un poubellarium avec elles : tous les cycles, et pas seulement celui de l’azote, s’installent facilement et de façon robuste.

Surtout, depuis maintenant plus d’un an, j’inclus dans ces doses de démarrage du périphyton issu de mes plus anciens poubellariums, qui tournent depuis 2007 pour certains ! Ce sont ces fameux petits fragments que vous voyez parfois au fond du sachet. Attention : ce ne sont pas des déchets, ils sont précieux : il faut TOUT utiliser et ne rien jeter !


Le périphyton est le support de la vie aquatique. C’est à cause de lui que les ostracodes se regroupent autour de l’endroit où votre ongle a rayé la paroi, libérant ainsi une foule d’organismes et d’éléments comestibles pour eux.


Et c'est lui, surtout, qui est une véritable banque de biodiversité, véritable mémoire de l'histoire longue d'un point d'eau.
C'est en lui que l'écosystème va chercher les solutions face aux éventuels déséquilibres qu'il affronte.
C'est lui qui rend le milieu stable.



Lorsque vous videz un poubellarium après plusieurs années de loyaux services, vous voyez ce périphyton sur les parois, sous la forme d’une croûte dont la couleur peut aller du blanc au noir. C’est lui qui fait que, l’année suivante, lorsque vous remettrez de l’eau, la vie apparaîtra sans rien avoir à faire : des formes dormantes auront survécu à l’abri du périphyton, des œufs, des larves, etc. Et tout ce petit monde se réveillera comme par miracle !


La vie est partout où il y a de l’eau. Sauf dans un  aquarium trop propre...

Faut vraiment être fabricant de produits aquariophiles en jolis flacons plastique pour ne pas le savoir !

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