Éloge du bordel et du mélange : les Melanotaenia

Certaines espèces sont si proches entre elles qu'elles peuvent s'hybrider, et même que leur descendance n'est pas forcément stérile.

Ce n'est pas la norme dans le règne animal, mais c'est assez courant chez les plantes.

Une étude très récente cherchait à comprendre le lien entre la variabilité génétique et la résilience des individus face au changement climatique.

C'est passionnant, même si je me doute bien que vous vous en battez littéralement les rognons avec une brosse à vaisselle, mais il n'y aucune raison que je sois le seul à me faire suer à lire des trucs barbants.

Donc, ça n'intéresse personne, ne faites pas semblant, je le sais.

Mais il se trouve que ces scientifiques dont la vie doit être absolument fofolle ont choisi comme sujet d'étude des poissons que les aquariophiles connaissent bien : ceux du genre Melanotaenia. Les fameux "poissons arc-en-ciel australiens".
J'en vois dans le fond qui ouvrent un œil...
Pas des masses, mais un peu.


Ce qu'ils ont montré grâce à leurs travaux, c'est que l'hybridation (et donc un mélange radical des gènes) augmente nettement la capacité des poissons à s'adapter aux conséquences du changement climatique.
Il s'agit d'espèces proches, apparentées, mais d'espèces différentes tout de même.
Chaque espèce, "pure", est moins résiliente que les hybrides !


C'est peut-être un détail pour vous.
Mais pour moi ça veut dire beaucoup (héhé !).


Je passe ma vie à tenter de vous expliquer, malgré vos têtes dures, que la biodiversité est le moyen de la résilience des milieux aquatiques (et pas seulement aquatiques). La diversité extrême donne à un écosystème un très grand choix pour trouver un nouvel équilibre face au chaos d'un changement.
Le contraire du clonage.

Quand j'ai créé les doses de démarrage d'Aquazolla, c'était sur cette idée, jeunes et insouciants padawans.
Acheter à l'animalerie des souches de "bactéries" pour ensemencer un aquarium revient à introduire des milliards de... clones, tous strictement semblables. Une seule espèce, une seule souche, un seul génome.
D'où l'échec à l'arrivée, car l'équilibre (y compris la stabilité du cycle de l'azote) ne se fait que par le hasard de l'affrontement de milliers, voire de millions d'êtres tous différents.

C'est ce qui m'a inspiré l'idée de ces doses de démarrage dans lesquelles on trouve des invertébrés vivants avec tout leur cortège de micro-organismes constituant leur microbiome interne, et même du périphyton de poubellariums très anciens et stables, véritable Arche de Noé aquatique.
Une simple daphnie, un simple ostracode qui font caca, vous fournissent par ce geste élégant plusieurs dizaines de milliers d'espèces de bactéries et autres microbes aux rôles et fonctions infiniment variés.

Salir, diversifier, mélanger... sont les conditions pour créer des équilibres, qui se décideront sans vous le dire, sans que vous puissiez en maîtriser la complexité. La nature, c'est cela.
Elle ne clone pas. Même les daphnies, en fin de saison, recourent au sexe pour brasser leurs gènes et mettre fin à leurs populations monotones. Afin que, dans le bordel génétique des individus qui naîtront au printemps, les chances qu'il y en ait un qui s'adapte aux nouvelles conditions soient maximales.

Un aquarium propre n'est maintenu que par une surveillance quotidienne, le recours incessant à la mallette du petit chimiste et moult artifices artificiels. C'est jouable, c'est parfois très beau, ce peut être une passion, mais je pratique une autre aquariophilie. Les deux sont respectables.

Moi je salis, j'observe et interviens peu.

Et même, de plus en plus, je crée des aquariums sans poissons ni équipement mais bourrés de bestioles, qui tournent tout seuls. Et qui ressemblent finalement davantage aux milieux aquatiques tels qu'ils sont et fonctionnent dans la nature.
Et ne parlons même pas des poubellariums, qui tournent si bien justement parce qu'ils sont sales et qu'on les laisse tranquilles !


L'étude publiée dans Nature : https://www.nature.com/articles/s41558-022-01585-1

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