Aquarium naturel... version Betta !


Et si le poisson idéal pour une vraie aquariophilie naturelle était tout simplement le Betta ?
Le Betta splendens, le Combattant, ce poisson magnifique incapable de rencontrer un pote sans lui déchirer la tronche, le Joey Star du monde aquatique, le Benalla de l’aquarium ?

Quand j’étais jeune, à cette époque où les gens étaient en noir et blanc et où les chevaux arpentaient les rues de Paris, qu’on appelait encore Lutèce, j’ai découvert ce poisson.




Je me souviens qu’à l’époque, les Bettas n’acceptaient pratiquement aucun aliment inerte ni industriel. Ils respectaient les traditions et ne mangeaient que du vivant, comme dans la nature.
Et il est vrai que, même aujourd’hui où les Bettas du commerce acceptent les paillettes industrielles, voir un Betta chasser lui-même sa nourriture suffit à comprendre que sa véritable nature, c’est ça.
Son attaque longuement réfléchie, puis foudroyante, pour gober la bestiole qui n'a rien vu venir, c'est un peu de nature authentique à la maison.

Je me souviens de ces reproductions fascinantes, ces pontes sous le nid de bulles, l’étreinte spectaculaire du mâle autour de la femelle, puis le mâle qui ramassait les œufs dans sa bouche pour aller les coincer dans le nid…
Ce spectacle incroyable de petits mâles, tous frères élevés ensemble, qui acceptaient de se tolérer alors qu’ils auraient dû s’entre-tuer.
Puis la maison envahie de bocaux en attendant de placer cette encombrante progéniture...

Depuis, les Bettas ont développé des formes nouvelles, le Crowntail, introuvable à l’époque, est désormais proposé dans le premier Jardiglande venu.



Pour un aquarium sans bulleur, naturel, ce lointain habitant des rizières est parfait. Il pipe de l’air en surface, pouvant ainsi affronter des eaux très peu oxygénées, voire boueuses.
Les plantes, loin de gêner sa nage, lui rendent service pour se reposer, lui qui nage comme Mauricette la fois où elle a eu un accident nautique (saleté de ciment pas assez sec !). Car il faut bien le reconnaître, le Betta est probablement un des moins bons nageurs parmi les poissons connus dans l’univers. Une sorte de grosse feignasse qui met des mois à faire le tour complet de son aquarium même tout petit.

Pour le Betta, pas de filtre, pas de bulleur, pas de pompe. Juste l’eau stagnante de ses rizières natales, dans lesquelles il passait son temps à inspecter lentement, patiemment, chaque centimètre carré de son territoire à la recherche de proies à sa taille : vers, larves d’insectes, invertébrés divers…

Le mien est bleu et il s’appelle Maurice.
C’est marrant : c’est presque le seul poisson auquel on ne peut s’empêcher de donner un nom. Alors qu’il est très très rare que votre Betta rapplique en remuant la queue quand vous l’appelez, hein !
Vu sa couleur, je lui ai collé la compagnie de planorbes roses. Elles existent en version bleue, mais ça aurait fait ton sur ton.

En parfait Betta, il passe ses journées à rien foutre. Il reste des heures appuyé sur un brin de Cerato qui le maintient près de la surface, histoire de ne même pas avoir à nager.
Dès son arrivée, je lui ai versé une centaine de daphnies (il y a largement ça dans un sachet d’Aquazolla), des ostracodes, des larves de moustiques et des larves d’éphémères trouvées au jardin.
La stratégie était la suivante.
La pauvre gars, qui avait grandi en quasi-laboratoire et bouffé des conserves toute sa vie a failli nous faire un AVC. Que des bestioles appétissantes qui gigotaient partout !
Il a donc commencé par se gaver des plus faciles à attraper : les daphnies.
Résultat : il en a avalé quelques dizaines, mais n’a évidemment pas pu les finir.
C’est ainsi que les ostracodes, épargnés, ont pu s’installer tranquillement dans son aquarium. Ils y sont restés depuis, puisqu’un poisson ne les dévore que s’il n’a jamais mangé mieux, et toute nourriture vivante est plutôt mieux.
Dès le lendemain, il a découvert que les larves de moustique, c’est rigolo à gober. Il a donc laissé tomber les daphnies, qui se sont donc mises à sautiller autour de lui sans se faire décimer sauvagement.
Enfin, il a essayé d’attraper quelques larves d’éphémères, et là il a découvert ses propres limites. La larve d’éphémère, c’est le Usain Bolt du monde aquatique, et c’est pas à la portée d’un gros fainéant de Betta, même bleu. Un peu humiliant, même, à la limite, de le voir rater son coup à chaque attaque.

Depuis, je m’arrange pour que son territoire soit en permanence peuplé de bestioles diverses, sur lesquelles il ne se jette plus frénétiquement comme le premier jour. Un peu comme de la compagnie qui se mange.

Parfois, je lui saupoudre des collemboles à la surface. Il vient les gober un par un (ce qui lui prend des heures, voire des jours !) et leur sautillement crée un peu d'animation. Disons qu'il fait son sport pour la semaine ! Et comme les collemboles vivent très bien sur la surface, ils restent à sa disposition pendant des jours. Et dire qu'il y a des gens qui achètent des distributeurs automatiques de nourriture industrielle !

Quant aux aselles et aux gammares, aucune inquiétude : c’est trop gros pour sa petite bouche de mini-poisson. C’est pas pour les bébés ! Elles se baladent donc en toute impunité dans le bac, apportant ainsi un peu d’animation. Parce que regarder toute la journée un poisson lymphatique qui bouge pas, ça va un moment. En plus, il porte un nom de grosse femme poilue, je supporte pas.

Maurice fait donc, finalement, office de poisson rouge idéal.
Là où les poissons rouges ne devraient jamais entrer dans nos appartements, parfaitement inadaptés à l’aquarium où ils souffrent toute leur trop courte vie, le Betta les remplace avantageusement.
Pas besoin de chauffage ni d’aucune machinerie d’aucune sorte, juste de l’eau, des bestioles croquantes, un prénom ridicule, une poignée de sable et des plantes pour bouffer les nitrates et servir de perchoir, et le tour est joué !


C’est réellement un poisson magnifique, robuste, capable de donner à n’importe quel petit aquarium tout simple l’aspect apaisant, hors du temps et tellement exotique d’une rizière de Thaïlande.
Quelques bestioles de temps en temps pour retrouver son instinct de chasseur suffisent à le rendre vraiment, sincèrement heureux, et il ne demande absolument rien de plus.
J’aurais dû épouser un Betta, je pense.

En plus, ça vit 3 à 5 ans au plus, contre 30 ans pour un poisson rouge et bien plus (mais trop) pour une Mauricette.

Laissons les poissons rouges au bassin, et accueillons des Maurice-le-Betta de toutes couleurs dans nos maisons, eux qui savent se satisfaire d’aquariums totalement naturels et sans prise de tête.

Commentaires

Unknown a dit…
Le Benalla, c'est trop ça!! (en plus intelligent quand même)

Par contre est-ce qu'il bouffe les crevettes?
Administrateur a dit…
Tout dépend de la taille.
Si ça rentre dans la bouche oui, sinon non.
C’est la règle éternelle et universelle du monde aquatique : si ça rentre dans la bouche et que c’est vivant, ça se mange !
Anonyme a dit…
Salut et merci pour l'article.
Voilà mon prochain projet pour ma nièce.
Une question cependant : il y a un minimum de litrage pour un aquarium naturel pour betta ?
Merci
Unknown a dit…
Super article Bravo.
Notamment pour les invertébrés que je ne connaissais pas. Ça me donne des idées pour un bac. Merci.
Anonyme a dit…
20l minimum pour un betta
Unknown a dit…
Bonjour !
J'ai une tortue de Californie que j'ai récupéré il y a quelques années (son propriétaire voulait s'en séparer).
Peut-on mettre des petites bestioles dans son aquarium ? Et si oui, les quelles svp?
Kim a dit…
Pff faut quand même un minimum de connaissances hein et un aqua chauffe avec bon paramètres cyclage etc
Les gens vont encore les foutre dans un bocal . Et si il fait bien un filtre. .
Kim a dit…
Oui en guise de repas..
herga a dit…
Bonjour, merci pour cet article de top qualité!

J'ai monté mon petit bac de 30L suite à votre article "l’ennemie de l’aquarium c'est le poisson" dans lequel j'y mettrais un betta.

Peuplé d'ostracodes, d'aselles, de backworms, de physe et de melanoide (j'avais pris des daphnies mais 90% sont mortes durant l'envoi et le reste n'a pas survécu à priori car je n'en voit pas).

j'ai aussi un élevage de collemboles à coté.

Je me demandais du coup:

-Avec plusieurs melanoide et physe, y a t-il une utilité à prendre des planorbes?
-Est-il possible de trouver un "presque-équilibre" dans la population du bac permettant de ne pas devoir remettre des daphnies/larve à tout va pour compenser l'appétit de monsieur.

-Un bac qui descend à 15°C en hiver peut-il accueillir des daphnies/ostracodes/blackworms afin d'y garantir une bonne population qui permettrait de compenser les pertes dans le bac de 30L?

Tilapia a dit…
Merci Mattier pour ton blog qui m’inspire beaucoup!
Sans expérience d’aquariophilie classique, j’ai poubellariumisé exponentiellement depuis 2 ans ma terrasse et mon jardin. Il faut dire que je vis sous les tropiques donc le climat s’y prête bien et que ma Mauricette est aussi à fond que moi...
Gaston (c’est mon combattant) vit dans un petit aquarium cossu de 20L bien planté, avec comme coloc des Red Cherry (il doit bien en croquer quelques petites mais ça régule un peu leur population, elles connaissent pas la pilule ces bestioles...), des mélanoides, physes, planorbes, ostracodes, cyclops. Je ne change pas l’eau, je compense l’évaporation régulièrement avec de l’eau de pluie ou de l’eau de mon « bac à merdouille » au fond du jardin qui n’a aucun poisson et sert de réserve à ostracodes, cyclops, vers, larves de chironomes et moustiques.
Pour répondre à Herga, je pense qu’il faut prévoir un ou plusieurs bacs à part pour la nourriture vivante pour réensemencer régulièrement l’aquarium. Chez moi, c’est surtout les ostracodes et cyclops qui survivent le plus longtemps à la voracité de monsieur, il gobe des vers aussi long que lui comme des spaghettis, et même des planaires et des petites sangsues! Je l’ai même vu gober des fourmis qui venaient boire sur le bord de l’aquarium! Un vrai goinfre!
Bonne année à tous et que le grand poubellarium cosmique cher à notre gourou soit avec vous!
Unknown a dit…
Non, je confirme que si l'aquarium est bien planté il n'y a aucun besoin de filtre dans un aquarium naturel pour un betta.
Jean-Michel a dit…
Bonjour,

Je confirme que le combattant vit très bien dans un aquarium basse technologie (juste assurer une source de lumière pour le bon fonctionnement des plantes"), mais aussi s'y reproduire avec succès.
Les alevins trouvent facilement leurs premières nourritures parmi les infusoires qui prolifèrent dans un tel aquarium. Ensuite, plancton de mare pour tout le monde (je ne donne que ça de toute façon).

J'en profite pour dire qu'à mon humble avis, les filtres, tels qu'on les utilise de nos jours dans des bacs filtrés, ne sont pas des filtres puisqu'ils ne filtrent rien.

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