Une bestiole sur mon Betta ?

Vous connaissez Jean-Françoise, mon Betta bleu...

Vous savez donc, comme moi, qu’il n’a pas inventé la poudre.
Comme on dit à Noël, Jean-Françoise n’est pas franchement l’ampoule la plus lumineuse de la guirlande. C’est le seul Betta que je connaisse qui se regarde dans un miroir sans réagir, il contemple son reflet avec la placidité d’une vache laitière qui voit passer un train. Pas une once d’agressivité, le regard vide de Mauricette devant les Feux de l’Amour..

De la même façon, cet imbécile (beau, mais imbécile) nage au milieu des daphnies sans les massacrer : il en croque une de temps en temps, comme un chat qui fait ses 20 repas par jour en chipotant. Même les si délicieuses enchytrées ont leur chance avec lui. Il en mange une ou deux et les autres ont tout leur temps pour aller se planquer…

Bref, je pense que je suis tombé sur le seul Betta pacifiste et quasi-végane du monde. Fallait que ça tombe sur moi, Mattier, le spécialiste mondial de la bestiole qui sautille et qui se mange !

Autre particularité de ce Betta pas si splendens que ça : au lieu de se reposer comme tout le monde près de la surface en s’appuyant sur une feuille en hauteur, il se couche sur le fond. Le type carrément plus flemmard que les autres Bettas déjà très flemmards ! Façon hippopotame dans la boue, quoi.


(Les amateurs de photos de très haute qualité prises par moi se régalent...)

Et donc, vu que le type est une curiosité bizarre et... curieuse qui mérite son prénom, je passe mon temps à l’observer avec une loupe. D’abord parce que ça m’évite de parler avec ma femme, et surtout parce que je me dis que si c’est en plus le seul poisson du monde qui pète, je veux absolument pouvoir assister à la chose et dire que j’y étais. Plus rien ne m’étonnerait.

Et devinez quoi-t-est-ce que j’ai constaté un jour, alors que cette grosse vache (Jean-Françoise, hein, pas ma femme) se retournait, vautré comme d’habitude à rien foutre sur le fond sableux ?

Un truc bizarre !

Mon Dieu, mais qu’est-ce que c’était-il ?
Un parasite ?
Un alien ?
Un Covid à Betta ?





J’ai envoyé la photo à Mini-Mattier qui m’a répondu, un peu comme d’habitude, qu’il avait toujours pensé que mon poisson était momoseskuel et qu’il portait des boucles d’oreilles.
8 ans, le môme, vous le croyez ça ?


En regardant mieux avec ma loupe, j’ai compris ce que c’était.

Mon Betta se balade avec des ostracodes sur la couenne ! Carrément ! Le con...



Impossible de savoir s’il le recherche ou si cela le dérange. Mais une chose est sûre, ils ne restent jamais très longtemps sur lui.

Plusieurs hypothèses :

La phorésie, qui est le fait qu’une espèce animale en utilise une autre comme moyen de transport. Comme cette petite mouche trouvée cette été sur mes vitres, porteuse de pseudoscorpions qui s’accrochaient à ses pattes par pure fainéantise. Ces sales bêtes sont connues pour pratiquer la phorésie.





 Mais vu la vitesse de nage minable de Jean-Françoise, et comme ce sont des ostracodes nageurs, il faudrait qu’ils soient idiots pour faire ça. On n’a jamais vu un lapin se déplacer à dos de tortue !



Autre possibilité : une forme de parasitisme. Mais les ostracodes ne sont absolument pas connus pour ça. Cette espèce d’ostracodes (les nageurs vendus sur Aquazolla) sont plutôt des charognards, très efficaces pour éliminer les animaux morts en un temps record. Un Betta doté d’une intelligence normale les aurait tous gobés depuis bien longtemps.
Bon là, avec ce Betta, on est plutôt sur du lourdaud et on ne peut pas exclure que ce soit l’ostracode le plus intelligent des deux…


Car il se trouve que Jean-Françoise vit littéralement au milieu des nuages d’ostracodes. Il doit bien en gober un de temps en temps mais, probablement par conviction non-violente, il les laisse travailler, nettoyer et fossoyer sans les exterminer. C’est pour lui une sorte de nourriture vivante de second choix, disponible en permanence pour les périodes où il n’y a vraiment rien d’autre dans le frigo. La nourriture idéale, qui se mange quand on a faim mais travaille en attendant !



Il est évident que les ostracodes ne posent pas de problème au poisson lorsqu’ils s’accrochent quelques minutes sur lui. J’ai remarqué qu’il lui suffit de se tortiller un peu brutalement pour s’en débarrasser. Et si cette façon de se vautrer avec l’élégance d’un goret sur le fond de sable où les ostracodes grouillent était une stratégie pour qu’ils viennent sur lui ? Il a beau être très con, il doit bien y avoir un minimum… J’ai alors pensé à ces oiseaux qui se roulent dans les fourmilières pour se débarrasser de leurs parasites. Et j’ai vu, encore hier, des hérons pique-bœufs dans un pré au milieu d’un troupeau de vaches.



Je pense donc que les ostracodes rendent service à mon Betta en le débarrassant de mucus usé, de cellules mortes, d’impuretés diverses. J’aurais alors assisté, ce qui est une première mondiale, à une séance de gommage poissontistique.
Ce type de symbiose est appelé en langage savant "comportement mutualiste".


Je vais contacter deux ou trois prix Nobel de poissontologie pour mener les études scientifiques visant à confirmer mon hypothèse.

Si cela est confirmé par la science, je propose qu’on appelle ce phénomène la mattiérisation.

Et une petite statue de moi (mais très simple, hein) à l’entrée de la Cité des Sciences.



Ça me semble le minimum...

Commentaires

Anonyme a dit…
Le storytelling apporte une plus value aux informations et hypothèses intéressantes livrées ici, du coup j'ai ris en apprenant des trucs. Merci bien !
Anonyme a dit…
Je consultais ton site internet quand j’avais 16ans je suis revenu 10ans plus tard par curiosité. je vois que tu n’as pas perdu ton humour mr Mattier. un coucou à Mauricette!
Mais quel régal cette lecture ! Réussir à faire rire via un article, ce n'est pourtant pas toujours facile haha. En même temps que les recherches scientifiques, tu pourrais donner un peu de caféine en intraveineuse à Jean-Françoise pour tester

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