Couper les Blackworms en quatre ?

C’est en voyant Mauricette se couper les ongles des pieds que j’ai eu cette vision vertigineuse : et si chaque rognure d’ongles de Mauricette avait le pouvoir, à partir de ses propres cellules, de redevenir une Mauricette entière ?

On sait que c’est impossible chez l’être humain, mais chez la Mauricette ?

A-t-on des exemples ?


Il faut dire que je suis en train de faire plein d’expérience de bouturage avec toutes sortes de plantes différentes. Chaque morceau d’une plante a, pour aller vite, la capacité de reconstituer une plante entière. C’est ce qu’on appelle la reproduction végétative, qu’on oppose à la reproduction sexuée.

Mais il existe quelques animaux qui ont cette faculté.

On connaît l’exemple du planaire qui est absolument incroyable : vous pouvez quasiment le passer au mixer, chacun des morceaux, même minuscule, pourra reconstituer un planaire entier.

Pire : on a découvert que chacun des nouveaux planaires a la mémoire, et donc l’expérience, du planaire de départ, Ce qui fait que les scientifiques se demandent où est donc le siège de la mémoire chez le bestiau !


Mais ce genre de reproduction « végétative » est rarissime chez les animaux.


Contrairement à la légende très tenace, il est IMPOSSIBLE d’obtenir deux vers de terre en coupant un ver en deux. Le lombric cicatrisera parfois de la blessure, mais plus généralement, il mourra.

Dans certains cas, la partie arrière peut éventuellement mourir et le ver survivre si les parties vitales ne sont pas atteintes. Mais ce sera un gros coup de bol et les parties amputées repousseront un peu, parfois mais pas toujours. Donc, en général, au lieu d’obtenir deux vers, on en obtient plutôt zéro, puisque l’animal meurt.

Exception à cette règle, un cousin du ver de terre qu’on connaît bien chez Aquazolla : le Blackworm (Lumbriculus variegatus), notre magnifique ver aquatique.


Lui, c’est même un tic chez lui.

À tel point que ses organes reproducteurs, observés, étudiés et décrits par les scientifiques sont bien connus mais qu’on ne les a jamais vus fonctionner dans la nature. Impossible de tourner un porno pour Blackworm, personne n’a jamais pu observer sa reproduction sexuée autrement qu'en laboratoire.

Elle est donc possible en théorie, mais les Blackworms semblent avoir la flemme.

Pourquoi ?


Parce qu’ils ont cette faculté rarissime de pouvoir se couper en deux pour former deux individus. Ce qui est une simple légende pour le ver de terre est vrai pour le Blackworm.

À tel point qu’il en a fait son mode de reproduction exclusif !
Des parties de son corps, régulièrement, se préparent pour être fragiles et, dès qu’un traumatisme se produit, il en profite pour se couper en deux au lieu de se fatiguer à guérir.

Les deux moitiés cicatrisent parfaitement, et on se retrouve avec deux vers exactement semblables au premier, mais séparés. C’est bien plus qu’on clonage : ici, les deux « clones » ont été précédemment un seul individu.

Les gars en blouse, qui regardent donc des pornos de vers dans les laboratoires, appellent ce phénomène la "stolonisation".

Ce qui pose une question philosophico-scientifique passionnante.

Si Jean-Claude le Blackworm se coupe en deux, obtient-on Jean et Claude ou deux Jean-Claude ? La conscience de l’animal se dédouble-t-elle ? Que devient l’expérience, la mémoire du premier individu lorsqu’il devient deux individus ?

Ces divisions successives font que, potentiellement, comme le planaire, le Blackworm est un animal immortel. S’il ne rencontre aucune cause extérieure de mort (pollution, prédateur, maladie…), il peut survivre éternellement…


Je vais peut-être aller brûler les rognures d’ongles de Mauricette, finalement.


On sait jamais.




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