50 nuances d'Azolla...

Ce matin, j’ai dit à Mauricette qu’elle était belle.

Je sais, c’est moche de mentir, mais ça me permet d’avoir quelques heures tranquille pour finir un billet de blog.


Ça fait en effet quelques mois que je prépare, observe, étudie et mène toutes sortes de tests sur la plante aquatique qui me fascine le plus : j’ai nommé l’Azolla. L’espèce que je cultive est l’Azolla filiculoïdes, mais sa cousine caroliniana est en tous points semblable et il faut être une sacrée pointure pour les distinguer. Une fois, mon pote Dédé y est arrivé, mais il était bourré et il avait dit ça au pif. Donc ça compte pas vraiment.



Par où commencer ?

Cette plante a tant d’aspects passionnants et uniques à aborder…

C’est elle qui a donné donné son nom à la boutique Aquazolla et je ne le regrette pas. Plus je l’étudie, et plus j’en apprends.




Sa première qualité à mes yeux est son mystère. Impossible de prédire où elle se plaira. On peut la placer dans deux poubellariums exactement semblables, collés l’un à l’autre, et elle disparaîtra ou végétera dans l’un pour proliférer dans l’autre. L’azolla impose l’humilité aux aquariophiles qui se la pètent.

Mon ami du Jardin des Plantes de Paris à qui j’avais envoyé une souche, la sienne lui ayant fait des misères, me demandait un conseil sur l’exposition : ombragée ou soleil ? Je lui ai répondu : « soleil normalement, mais gardes-en un peu à l’ombre, on sait jamais ! ».

Pareil pour la couleur. Dans les livres, il est dit qu’elle devient rouge en hiver. Mais d’autres livres disent qu’elle rougit en plein soleil. Chez moi, elle prend l’une ou l’autre couleur, aussi bien au Nord qu’au Sud. Chais pas pourquoi.

Et ça sert à rien de s’énerver : c’est elle qui décide.



Botaniquement, l’Azolla est une fougère flottante. Toute petite, chaque fronde (individu) mesure environ 1 cm. Elle peut malgré tout former rapidement un tapis épais et dense. Il faut donc régulièrement en retirer pour que la lumière puisse toujours pénétrer sous l’eau et permettre aux autres formes de vie de prospérer.

Mais cette fougère est un peu spéciale, car elle héberge, à la face inférieure de ses frondes, des cyanobactéries. Les cyanobactéries ressemblent à des algues mais n’en sont pas. On peut les tuer avec un simple antibiotique, contrairement aux algues. Ces cyanobactéries (« algues bleues ») sont capables de capter l’azote présent dans l’air. Ce qui signifie que, même dans une eau pure et sans nitrates, l’Azolla continue à pousser, grâce à la complicité de son petit invité qui lui fournit de l’azote en quantité illimitée !



Originaire d’Amérique du sud, mais aujourd’hui répandue partout dans le monde, elle peut être envahissante. Sous nos climats, elle fait semblant de disparaître en hiver, détestant le gel. Mais elle laisse au fond de l’eau des bourgeons dormants qui repartiront le printemps venu, à condition de ne pas avoir été pris dans la glace eux-mêmes. Mais j’ai vu des hivers doux, en région parisienne, où l’Azolla résistait et ne disparaissait pas. Encore son côté imprévisible…



Bien sûr, elle a gardé de ses origines un amour de la chaleur et de la lumière forte. Sous nos climats, elle atteindra rarement ses limites et on peut dire que plus la lumière et la température augmentent, plus elle pousse. Jusqu’à 35°C, elle continue à accélérer ! Au-delà, elle est magnifique, mais cela change moins sa rapidité de croissance. On a de la marge !




Sa reproduction est très simple : par division. Chaque fronde contient un rhizome qui ne cesse de se briser spontanément. Quand vous recevez votre Azolla commandée sur Aquazolla, par exemple, vous êtes généralement surpris par son aspect. En effet, elle ressemble à d’innombrables miettes et non plus aux belles frondes de la photo ! C’est justement parce que chaque rhizome a été brisé par le transport, formant des centaines de minuscules « boutures » dont chacune reformera ensuite une fronde entière. Pareil pour les racines, qui tombent à la fois pendant le transport et pendant l’acclimatation. Chaque fragment reformera ses propres racines, de couleur presque noire.



Autre question courante quand vous recevez votre Azolla : pourquoi est-elle parfois « marron » ?

En fait, l’Azolla peut faire varier sa couleur à l’infini, entre le vert tendre et le marron, voire rouge profond, avec absolument toutes les nuances intermédiaires. Elle peut même présenter des frondes temporairement bicolores, rouges au centre et vertes sur le pourtour. Encore une fois, impossible de dire avec certitude les conditions qui la font changer de couleur. Cette année, la mienne verdit au soleil (pour l’instant), mais c’était l’inverse l’an dernier !

Ce sont les anthocyanes, pigments rouges, qui lui donnent cette couleur brun-orange, rosâtre ou franchement rouge.




En aquarium, l’Azolla déteste les couvercles. Elle est alors souvent attaquée par des moisissures. Elle a besoin de « respirer »…

En poubellarium ou en bassin, on n’a pas ce problème.


L’utilisation en extérieur m’amène à un autre sujet, que j’étudie beaucoup en ce moment concernant l’Azolla : son utilisation en permaculture ou en aquaponie.

Voilà quelques années que j’insère des mini-mares dans mon potager sous la forme de poubellariums semi-enterrés. Cela apporte une grande bio-diversité en multipliant les interfaces, cela évite une atmosphère trop sèche et crée une certaine inertie thermique aux alentours. Les résultats pour les cultures sont visibles.

J’y mets toutes sortes de bestioles et de plantes, et je refais juste les niveaux en arrosant quand l’eau s’évapore trop. De temps en temps, un crotte de poule y est jetée quand personne ne regarde...




J’ai appris récemment que les éleveurs de vaches en Inde cultivent l’Azolla dans une eau recevant le lisier des animaux. L’Azolla consomme énormément des éléments polluants, croît énormément, et devient ensuite un fourrage riche en azote que l’on donne à manger… aux vaches ! Et la boucle est bouclée.




Dans mon potager, je récolte donc très régulièrement l’Azolla de mes mini-mares pour l’empêcher de couvrir toute la surface et priver l’écosystème de lumière. Je l’utilise ensuite comme paillage au sol où elle apporte ses éléments fertilisants. Mais j’en donne aussi à mes poules qui se jettent dessus avec une avidité hilarante. Elles ne s’en lassent pas !

Elle est tellement plus facile à récolter à pleines mains que, contrairement à la lentille d'eau, modérer son envahissement ne prend que quelques secondes.

Cette utilisation de l’Azolla comme engrais vert ou comme fourrage pour les animaux d’élevage mériterait d’être développée. Les recherches montrent que l’Azolla est aussi efficace que les engrais azotés industriels pour les cultures !


Enfin, l’Azolla est une des seules plantes au monde dotée du super-gène qui lui permet de produire une protéine capable de fixer polluants et métaux lourds ! C’est donc une plante dépolluante extraordinaire. À tel point que certaines mines d’or l’utilisent pour récupérer l’or dissous dans les eaux de rejet qui, autrement, serait perdu.




Bref, je cultive l’Azolla depuis maintenant 18 ans, et j’en apprends sur elle chaque saison.

Aussi géniale pour l’aquariophile, les bassins, que pour le jardin et les petits élevage… mais capricieuse, pleine de mystères, toute moche quand on la reçoit par La Poste !


Je continue donc inlassablement mes expériences pour la comprendre mieux.



Juste une chose. Évitez de la disperser dans la nature. Même si elle est largement présente en France désormais, elle ne fait pas partie de la flore indigène et pourrait déséquilibrer un point d’eau. Donnez-la plutôt à manger aux poules… ou aux légumes du potager ! 


Commentaires

Anonyme a dit…
Merci beaucoup pour ce partage j aimerais cultiver la lentille d'eau trilobées et l'azolla pour nourrir les ruminants et lutter contre la dépendance et l inflation du maïs pourriez-vous m'aider svp ?
Anonyme a dit…
Bonjour, en fait la communication de notre vendeur d’atoll a consiste à écrire sans répondre à nos questionnement concernant l’azolla. Je l’ai acheté il y’a un mois et il est complètement mort en ce moment. C’est dommage car j’ai tenté de le joindre pour me conseiller quand j’ai commencé à constater la mort sa diminution dans le bassin.
Je ne reviendrai pas ici pour l’acheter
Anonyme a dit…
Très deçu

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