Le mystère de l'Azolla disparue...

Vous le savez, ma plante aquatique fétiche, c’est l’Azolla filliculoides.

C’est cette petite plante flottante, qui ressemble à une micro-fougère faite de toutes petites écailles.

C’est d’ailleurs elle qui m’avait inspiré le nom de la boutique Aquazolla il y a trois ans, quand j’étais encore jeune et beau et que mon dentier était presque neuf.


Eh bien vous avez probablement remarqué qu’il n’y en avait plus depuis 6 mois dans la boutique…

Et j’en dois toujours à certains d’entre vous dont j’ai soigneusement noté les noms et adresses. Pour la peine et pour les remercier de leur patience, je vais leur en envoyer deux sachets au lieu d’un dès la semaine prochaine. C'est la moindre des choses...


Car, et c’est la bonne nouvelle, l’Azolla est à nouveau dispo sur la boutique !

Mais ce fut une aventure assez étonnante et je dois vous expliquer ça.


Je n’ai jamais manqué d’Azolla. Je la cultive depuis des années avec succès et ma souche me donnait entière satisfaction. C’était mon ami du Jardin des Plantes de Paris qui me l’avait donnée au départ, voilà quelques (nombreuses) années, à partie de la sienne, qui envahissait un de ses bassins à certaines époques.

Mais au printemps dernier, alors que je cherchais à lui faire profiter du soleil printanier, je me suis rendu compte qu’elle ne reprenait pas, mais alors pas du tout. Il est courant que l’Azolla disparaisse au plus fort de l’hiver (mais pas forcément), quand elle a gelé trop fort.

Ses frondes flottantes deviennent alors filiformes et le fond de l'eau est bourré de spores et de formes dormantes.

Sur la photo suivante, la couleur rouge est normale, mais pas la forme. C'est la forme qu'elle a en fin d'hiver avant de repartir au printemps.


C’est donc ainsi que je l’ai retrouvée. Mais, pour la première fois, impossible de la ranimer. L’été arrivant et ne voyant toujours aucune trace d’Azolla, je contacte mon éminent pote du Jardin des Plantes, mon rat de laboratoire préféré. Et là, qu’est ce que c’est-il pas qu’on s’aperçoit ???

Son Azolla avait également entièrement disparu, et ceci de tous les bassins où la moindre plantule se trouvait à l'automne.

Le phénomène devenait donc encore plus étrange : non seulement cette Azolla ne repart pas, disparaît malgré la belle saison, mais tous les exemplaires provenant de la même souche vivent la même chose au même moment…


Mon copain m’explique qu’un phénomène semblable est connu chez les bambous. Tous les individus d’une même espèce, où qu’ils se trouvent dans le monde, fleurissent la même année, puis meurent tous en même temps ! Il ne reste que leurs graines.

C’est presque un moyen de vérifier que deux pieds sont de la même espèce… Mais il semble qu’on ne connaisse cela que chez les bambous, et la science ne comprend même pas encore trop ce phénomène.

Il me dit donc, tout excité, qu’on pourrait avoir quelque chose de proche, mais d’inconnu, devant nous, avec cette Azolla. Mais qui là, ne concernerait pas toute l’espèce, mais une souche particulière, avec un génome proche (les plantes mutent toujours un peu en se divisant)…

Bon, après, le gars, c’est un scientifique, hein, il voit des énigmes scientifiques partout parce que son rêve c’est le Prix Nobel. C’est des gens pas comme nous…


On peut aussi imaginer qu’il y a eu cette année ou cet hiver un phénomène météo ou environnemental non identifié auquel cette souche-là était génétiquement sensible.

Comment savoir ? Mon rêve serait d’avoir un labo pour étudier tout ça, mais j’en ai pas. J’ai juste une salle de bain avec une douche pleine de poils de Mauricette, alors bon. C'est moins bien...


Mon copain s’est donc procuré une nouvelle souche adaptée en Europe, mais différente. Pendant qu’il regardait pas, je lui en ai carotté une poignée, et je l’ai mise en culture.

Eh ben, croyez-moi ou croyez-moi pô, c’est seulement maintenant qu’elle donne tout son potentiel.

Et elle est devenue… magnifique.


Dans le même bac, ou dans deux bacs côte-à-côte, elle devient verte ou profondément rouge. Chaque fronde donne une progéniture qui exploite différemment la lumière et ça donne des panachures absolument superbes.



Cette petite plante dont les racines abritent toute une faune minuscule qui nourrit nos alevins est en réalité une symbiose. Comme les lichens qui associent une algue et un champignon, l’Azolla est une association entre une plante et une algue (une cyanobactérie).


En Asie, elle est utilisée pour transformer les déjections animales en fourrage pour le bétail. Je pourrais essayer avec ma femme, mais les volumes à traiter sont particulièrement conséquents…


J’en mets dans tous mes bassins (sauf cette année), et toujours quelques fragments dans mes aquariums. Elle est envahissante en bassin (mais facile à ramasser) et plus lente en aquarium.

Elle ne fait pas de graines (c’est une fougère !), mais des spores qui résistent au froid, même fort.

Elle se reproduit sinon surtout par division, dès que l’eau bouge un peu, qu’un oiseau vient boire ou qu’une carpe donne un coup de nageoire !


Contrairement à ce que vous pensez parfois en la recevant chez vous, elle est souvent rouge (et pas « marron » !), ce qui n’est pas inquiétant, au contraire. Sa couleur varie, selon ses caprices, du vert clair au rouge profond. Et ce n’est pas vous qui choisissez, c’est elle !

Elle perd généralement ses racines dès qu'on la touche, pendant le transport, ou quand vous l'installez dans votre aquarium. Puis elle en refait de nouvelles, sans doute plus adaptées au nouveau milieu.



Moi qui passe des heures en méditation devant mes petits aquariums (qui sont faits pour ça), l’Azolla me fait toujours réfléchir : une algue et une plante qui vivent en symbiose se perçoivent-elles comme une ou comme deux ? Nous-mêmes sommes un mélange indissociable de nous-mêmes et de notre microbiote, y pensons-nous parfois ? Est-ce la plante qui est l’Azolla, est-ce l’algue, ou est-ce l’ensemble ?

Et une Azolla, est-ce que ça pense ?


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