La Grande Limnée est enfin arrivée !
Je réponds ici à un courrier de Véronique D., de Jambon-sur-Sarthe près de Billon-le-Gâtinais, village où naquit également Jean-François Fayard, personnage sans intérêt, mais bon, je préfère le dire.
"Pourquoi (m'écrit Véronique D.) ne sortez-vous pas régulièrement un nouveau modèle d'escargot, un peu comme Benetton ou Zara avec les pulls, pour animer la boutique Aquazolla ? Je suis surprise qu'un homme tel que vous, beau, intelligent, poli, musclé, érudit, bronzé et tellement attirant (je cite), n'y ait pas encore pensé..."
Je lui ai donc répondu ce matin.
Chère Véronique,
Je vois que vous me connaissez bien, mais je crains qu'il y ait comme un malentendu entre nous.
Il y a plusieurs raisons pour lesquels je ne sors pas "régulièrement" un nouveau modèle d'escargot, même si je comprends votre goût pour la nouveauté (êtes-vous mariée, chère Véronique ?).
D'abord, parce que les escargots, ça va pas vite. Donc, si je demande à un nouvel escargot de venir dans la boutique Aquazolla, selon la distance à parcourir, je dois m'y prendre plusieurs mois à l'avance. Ou alors, pour aller plus vite, il faudrait qu'il monte sur le dos d'un autre escargot, mais non, ça ne règlerait pas le problème.
La seconde raison est que notre Maître Céleste à tous, j'ai nommé le Grand Poubellarium Cosmique, n'a pas créé un nombre infini d'espèces sur terre. Surtout que, si on veut faire de l'aquariophilie naturelle, on évite de faire venir des espèces exotiques de l'autre bout du monde.
Et puis ensuite, il faut apprendre à les élever correctement, les faire se multiplier plusieurs années à l'écart de tout poisson pour éviter les risques de parasites, toussa.
Donc, chère Véronique, il faut arrêter de m'écrire toutes les semaines comme vous le faites depuis maintenant quatre ans sous des prétextes divers. Je ne suis pas un objet sexuel, mon corps est un temple sacré qui doit rester inviolé.
Salutations aquariophiles mais fermes.
Maître Mattier (faut m'appeler comme ça)
Mais, ce que je n'ai pas dit à Véronique D., c'est que je préparais depuis deux ans, dans le plus grand secret, protégé dans un coffre d'une banque suisse, le projet fou de proposer une nouvelle espèce d'escargot dans la boutique d'Aquazolla.
Si je lui avais dit, ça aurait encore fait plein d'histoires avec Mauricette, rapport à mon corps et tout.
En réalité, à partir du jour de maintenant d'aujourd'hui, il est possible à toute personne majeure et bien pensante d'acquérir, chez Aquazolla, des Grandes Limnées (Lymnaea stagnalis).
Je les propose encore jeunes, d'une taille située un peu en-dessous du centimètre. Vous pourrez ainsi les voir grandir dans votre aquarium ou votre bassin, puisque la taille adulte de cet escargot majestueux est supérieure à 5 cm !
Évidemment irremplaçable dans les bassins pour dévorer les algues, elle est aussi parfaite en aquarium, à condition d'accepter son seul petit défaut : en cas de fringale, et contrairement à la minuscule physe, elle est capable de grignoter les plantes.
Si elle n'a plus d'algues filamenteuses ou d'algues pinceau, elle se rabat sur les débris végétaux morts (une feuille, une tige) ou en décomposition. Et s'il n'y a rien de tout ça, forcément, elle se rabattra, faute de mieux, sur des parties vivantes des plantes.
Elle ne bosse pas gratuitement, donc !
Mais voir une Grande Limnée adulte évoluer, respirer en surface avec sa trompe est fascinant (elle est dotée d'un poumon et respire à l'air libre).
Même sa fameuse "nage sur le dos" est un spectacle amusant : cet escargot se comporte ainsi pour se nourrir des bactéries qui forment parfois un film en surface. Ce film qu'on s'évertue parfois à briser en utilisant des pompes au jet puissant, elle s'en occupe paisiblement, gratuitement, et de façon originale !
La nature a juste oublié de la doter d'une arme pourtant essentielle face aux poissons et autres prédateurs : un opercule solide qui lui permettrait, comme le Mélanoïde par exemple, de se mettre à l'abri dans sa coquille en fermant la porte derrière elle.
Il peut donc lui arriver de se faire attaquer, voire dévorer par certains poissons plus acharnés que d'autres. Ce qu'elle compense par une bonne prolificité. D'ailleurs, comme la plupart des escargots, elle est hermaphrodite : porteuse des deux sexes, elle peut se reproduire avec n'importe quel partenaire qui croiserait sa route.
En aquarium, on lui évitera les températures supérieures à 25°C qu'elle n'apprécie pas. En bassin, elle passe l'hiver dehors sans problème dans toutes nos régions.
On estime généralement son espérance de vie à deux ans environ.
Et bien sûr, comme tous les escargots, elle se reproduisent en fonction de la nourriture disponible : plus il y a de déchets, plus la population augmente.
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