Aquarium, microbes et caca de daphnie !
Dans cet article, nous verrons comme tout est lié, du macro au micro
Petit exercice simple pour commencer.
Classez ces trois
organismes dans l’ordre suivant : très gros, petit, très
petit.
1 – la daphnie
2 – ma femme Mauricette
3 – une bactérie
Vous le savez, toutes mes observations et recherches sur les aquariums et les écosystèmes aquatiques m’amènent depuis quelques années à suspecter fortement que tous les phénomènes que nous observons s’appuient sur les microbes.
Bien plus que dans l’air, les bactéries, champignons, levures et virus sont partout dans l’eau.
Par exemple,
la Mauricette semble évoluer dans le milieu aérien, mais sa peau
lui permet de maintenir aqueux son organisme, qui en réalité baigne
dans l’eau (et le gras en l’occurrence).
Nous ne sommes en réalité que
des animaux aquatiques qui emportent leur eau avec eux, enveloppés
par une peau apte à affronter la sécheresse de l’air.
Mais j’éviterai
ici de prendre la Mauricette comme exemple, pour des raisons
d’hygiène bien compréhensibles.
Et puis parce que des mineurs
risquent de lire.
Les découvertes sur
le microbiote sont assez récentes. Concernant les organismes
aquatiques, je trouve peu de publications scientifiques sur ce thème ayant plus de
20 ans.
On est réellement sur des découvertes récentes, qui n’en
sont probablement qu’au début.
Le microbiote est un monde largement méconnu et
certains scientifiques y voient des découvertes dignes de celles des
grands explorateurs du XVème siècle.
C'est la nouvelle frontière de notre époque.
Quelques recherches ont eu lieu sur le microbiote de la daphnie, figurez-vous !
Cette petite bestiole dont je dis et répète qu’il est précieux qu’elle fasse caca dans nos aquariums (elle et bien d’autres !) pour leur léguer tout son cortège bactérien.
La daphnie magna est un sujet d’études apprécié dans les laboratoires et c’est pour cela qu’on dispose de quelques publications.
Et elles vont bien dans le sens de l’importance vitale du microbiote.
Le microbiote, c’est l’ensemble des micro-organismes vivant dans et sur un animal (même si la notion doit pouvoir s’appliquer aux végétaux également à mon avis).
Chaque espèce, mais aussi chaque population, voire chaque individu a un microbiote propre et différent.
C’est ce qui explique la fameuse turista.
Ce n’est pas parce
que l’eau d’un pays est "sale" que vous chopez des diarrhées qui
vous font des souvenirs de vacances.
C’est juste que votre
microbiote est habitué à autre chose. Et l’eau étrangère, avec
ses bactéries et virus inconnus des vôtres, vient perturber le
fragile équilibre, en l’occurrence de votre intestin !
Tous
les microbiotes contiennent des micro-organismes pathogènes. Même
chez la daphnie, cela a été démontré. Mais ils ne deviennent pas
nocifs parce que la grande diversité dans laquelle ils sont plongés
ne leur laisse pas le champ libre pour devenir dominants. Ils ont
leur place dans cette diversité et n'y présentent aucun danger.
Ce qu’on trouve dans l’intestin d’une daphnie varie selon son état de santé et ce qu’elle mange.
Des daphnies dont on a supprimé le microbiote en stérilisant leur milieu dès la naissance tombent malades, grandissent mal, se reproduisent mal et peu, et meurent.
Une alimentation
limitée ou de mauvaise qualité (levure au lieu de phytoplancton)
appauvrit également le microbiote.
Ce qui est vrai pour une daphnie l’est très probablement aussi pour tous les animaux aquatiques, dont les poissons.
Ce sont aussi ces découvertes qui font revenir actuellement sur certaines pratiques pédiatriques dans lesquelles on stérilisait tout ! Résultat : le microbiote de l'homme occidental moderne s'est dramatiquement appauvri.
Je suis absolument convaincu que les échecs à répétition dans nos aquariums, que nous croyons régler en jouant sur les paramètres chimiques (en vain en général), sont en réalité des déséquilibres microbiotiques.
Nos aquariums sont trop stériles.
Ils sont comme ces milieux pauvres dans lesquels on a montré que les daphnies se développaient mal.
Toutes mes expériences depuis 30 ans vont dans ce sens : les aquariums propres sont instables, et les aquariums « sales » sont d’une stabilité impressionnante dans la durée.
Nous intervenons trop avec la mallette du petit chimiste, avec une approche analytique : on analyse pour faire varier tel ou tel paramètre.
Je prône l’approche
inverse.
Ne pas jouer sur les paramètres isolés, qui sont
dérisoires face à la complexité d’un écosystème vivant. Mais
au contraire ajouter du vivant.
Il y aura toujours plus d’espèces de micro-organismes précieux dans une simple petite crotte de daphnie que vous n’en trouverez jamais dans la fiole de bactéries clônées du marchand de l’animalerie !
Les pucerons sont un problème dans un champ de blé où ils se multiplient à l’infini, puisqu’ils ne rencontrent aucune espèce concurrente. Par contre, ils ne sont jamais un problème dans une prairie naturelle où la diversité est immense.
Notre ventre est un écosystème aquatique.
Nos aquariums également.
Un ventre sans microbiote fera des diarrhées à répétition, mais aussi des dépressions, des diabètes, une obésité voire des cancers comme le montrent les études actuelles sur l’humain.
Un aquarium sans microbiote est également un cimetière, et vous n’avez pas fini de sortir la mallette de secours !
La nature produit de la complexité.
Le laboratoire fabrique une triste molécule unique. Pour tuer le puceron et faire survivre le système malgré son instabilité, sans la résoudre.
Et vous, combien de microbes avez-vous fait entrer dans vos aquariums ?
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